Global Witness et l’EIA (Environmental Investigation Agency) demandent ce jour à la compagnie maritime française Delmas d’annuler l’expédition vers la Chine de centaines de tonnes de bois de rose depuis le port de Vohémar, dans le nord-est de Madagascar. Le Kiara, un navire exploité par Delmas – répertorié dans le Registre de Lloyd’s sous l’IMO 9403384 –, est arrivé à Vohémar le 11 mars et des conteneurs remplis de bois de rose sont en train d’y être chargés. Les groupes de campagne, qui ont des photos du navire et des conteneurs dans le port, accusent la compagnie, une division du groupe français CMA-CGM, spécialiste du transport maritime par containers, de faciliter la destruction des dernières forêts malgaches.
Global Witness et l’EIA ont adressé une lettre ouverte au Directeur général de Delmas], Jean-François Mahé, lui demandant instamment de suspendre toutes les expéditions, dont une était imminente. Depuis juin 2009, Global Witness, l’EIA et d’autres organisations n’ont de cesse de tenir la compagnie Delmas informée de la situation et de l’exhorter à cesser le transport de bois malgache illégal [1].
L’agitation politique qui s’est manifestée dans le pays début 2009 a conduit à une invasion des parcs nationaux malgaches par des milliers de bûcherons illégaux. Un rapport de Global Witness et de l’EIA publié en novembre 2009 estimait que le commerce de bois de rose et d’ébène illégal représentait une valeur pouvant atteindre jusqu’à 460 000 dollars US par jour [2]. Des audits des institutions financières malgaches indiquent que seule une petite partie de ces bénéfices illicites reste à Madagascar.
La majeure partie du bois qui est expédié provient du parc national de Masoala, inscrit au Patrimoine mondial, et d’autres régions protégées du nord-est du pays. Bien que la quasi-totalité de l’exploitation et de l’exportation de bois précieux soit interdite à Madagascar depuis 2006, on sait que des fonctionnaires locaux et nationaux délivrent des permis d’exportation illégitimes en violation des lois en vigueur dans le pays.
« Le gouvernement de transition malgache, à cours de liquidités, manque à la fois de volonté politique et de ressources pour parvenir à contrôler le commerce de bois illégal », a déclaré Reiner Tegtmeyer de Global Witness. « Si des compagnies comme Delmas s’associent avec des trafiquants en bois illégaux, les forêts de Madagascar seront irrévocablement endommagées, ce qui nuira considérablement aux espèces en voie de disparition et affectera dramatiquement les moyens de subsistance des populations. »
Le bois expédié par Delmas finit généralement en Chine, le plus grand marché pour le bois malgache illégal, mais on sait que les consommateurs américains et européens en achètent également. Si le bois parvenait sur le territoire américain, les représentants officiels de la société pourraient s’exposer à des sanctions pénales et civiles. La loi américaine « Lacey Act », amendée en 2008, interdit en effet le commerce de bois provenant de sources illégales et ses produits. En novembre 2009, les autorités américaines ont lancé un raid contre le fabricant de guitares américain Gibson visant semblerait-il le bois de rose importé illégalement de Madagascar.
« De récentes actions d’application de la loi menées aux États-Unis démontrent que les entreprises impliquées dans le trafic de bois illégal ne peuvent plus agir en toute impunité », a déclaré Andrea Johnson, directrice des campagnes forestières à l’EIA. « Nous demandons instamment à Delmas d’adopter et de mettre en œuvre des politiques permettant d’éviter le transport de produits illégaux, à commencer par le bois extrait des parcs nationaux malgaches.
Renseignements complémentaires :
Global Witness expose l’exploitation corrompue des ressources naturelles et des systèmes commerciaux internationaux afin de susciter des campagnes visant à mettre un terme à l’impunité, aux conflits liés aux ressources naturelles et aux atteintes aux droits de l’homme et à l’environnement. L’EIA enquête et dirige des campagnes contre les délits environnementaux perpétrés à travers le monde. Elle affiche des années d’expérience en matière d’enquêtes portant sur l’exploitation forestière illégale et le commerce international de faune et de flore menacées.